Le 10 avril 2018 se tenait la troisième édition de l’événement Fintech R:Evolution organisé par France Fintech. Après deux opus dédiés à l’émergence du mouvement Fintech et à sa structuration, cette 3ème saison a entériné la présence des fintechs dans l’écosystème bancassurance et posait la question du business model de ces structures à même de challenger les banques heurtées par les nouvelles réglementations.
Au menu de cet article, les 5 citations qui ont donné le ton de cette Data Libération et un résumé non exhaustif des thématiques abordées.
5 citations :
« Capital and data will seat next to each other on the balance sheet »
John Egan, CEO Atelier
“Le RGPD n’est pas uniquement une réglementation pour freiner l’innovation, c’est un vrai avantage concurrentiel d’y être conforme. »
Axelle Lemaire,
« ll faut défendre la régulation qu’on attend plutôt que se faire imposer celles des autres »
Laure de la Raudière
« L’IoT [tel qu’il existe aujourd’hui] ne sert à rien […] on a créé des silos supplémentaires, l’Intranet of Things »
Luc Julia, Samsung
« Les banques font face à deux problématiques :
- Une complexité d’extraire et travailler une donnée utilisable dans l’environnement des vieux SI bancaire
- L’incapacité à sortir du « est-ce que j’ai le droit de le faire » au lieu de penser comme les fintech « qu’est-ce que je vais apporter au client »»
Clément Coeurdeuil, co-fondateur de Budget Insight
La gestion de la data remet-elle en cause le modèle des banques traditionnelles ?
La demi-journée de conférence a débuté par une interview du patron de l’Atelier BNP Paribas avec cette question sur la remise en cause du modèle des banques.
Bien que courte, cette intervention a permis à John Egan d’entériner deux choses :
le fait que le modèle de banque de détail est en train de changer et que les données en sont le réacteur.
En effet, selon lui, l’expérience client devient l’élément central du modèle prôné par les fintechs et on ne raisonne plus en termes de clients mais d’utilisateurs. Quant aux données, il est convaincu qu’elles vont prendre autant d’importance aujourd’hui que les autres assets qui figurent au bilan des banques.
De ce constat naît une vision, si les banques traditionnelles ne veulent pas sombrer elles devront devenir des plateformes de distribution de services financiers aux utilisateurs, services fournis par les fintechs.
Table ronde : La réglementation, un levier d’innovation et de disruption ?
A la suite de cet appel aux synergies entre acteurs disruptifs et traditionnels, s’en est suivi une discussion sur la réglementation, sujet qui frappe de plein fouet l’actualité bancaire avec DSP2 et RGPD. Autour de la table étaient présents, un seul membre de l’écosystème Fintech, le CEO de Bankin, Joan Burkovic et deux politiques : Axelle Lemaire et Laure de la Raudière. On peut regretter le manque de représentativité de cette table ronde qui a finalement conduit à effleurer tous les sujets. Rares ont été les points de vue, si ce n’est la conviction partagée par les 3 invités que les différentes réglementations RGPD, DSP2, réglementation des cryptoactifs etc. doivent in fine être un atout pour les acteurs de la place en leur donnant un cadre et en définissant leur liberté d’action.
A la suite de cette table ronde, le fondateur de Heetch, le service de VTC, était interviewé pour raconter son expérience de disruption dans un secteur réglementé. Au-delà de l’histoire particulière de son entreprise, le message pour les fintechs était assez clair : se lancer sans prendre conscience des enjeux juridiques ne conduit qu’à un clash juridique organisé par les acteurs traditionnels, l’Etat ne peut alors plus jouer son rôle de régulateur. Il faut anticiper et disrupter avec les acteurs existants.
L’Intelligence Artificielle s’est-elle distillée au sein des modèles fintechs ?
La deuxième partie de l’après-midi faisait la part belle aux sujets liés à l’intelligence artificielle. Après une intervention d’un des créateurs de SIRI, aujourd’hui VP Innovation chez Samsung, qui expliquait que l’IA et l’IoT tels que nous les connaissons ne sont qu’une expression limitée et silotée de leur potentiel, s’en est suivie une table ronde réunissant Data Scientists et entrepreneurs. Tout comme la première, les débats étaient soit trop précis pour être intelligibles soit trop généralistes pour apporter quelque chose. Néanmoins, nous retiendrons de ces échanges 3 points qui définissent la trajectoire pour l’IA dans les fintechs :
- L’amélioration de la relation client via des moteurs de recommandation, l’analyse de sentiments et les scorings
- L’analyse des textes et documents afin de simplifier les processus métiers et clients
- L’amélioration des règles métiers et opérationnelles notamment grâce à la détection de la fraude et le continuous learning
Comment les données vont-elles réinventer les business models des services financiers ?
La fin de l’événement a permis de montrer que si la data permet en effet aux fintechs de se libérer du carcan des banques traditionnelles, l’opposition frontale ne mène à rien. Interviewé par Cyril Chiche de Lydia, Hugues le Bret CEO de Compte Nickel rappelait que si au début, son aventure était de réparer l’injustice de l’exclusion bancaire, elle a dû évoluer pour continuer à exister et que dans un sens son rapprochement avec BNP était justifié pour des raisons de synergies de coûts, opérationnels et de revenus.
La table ronde qui a suivi, réunissant les CEO de Budget Insight, WeSave et Paylead, a confirmé cette idée : les fintechs par leur maîtrise de la data apportent aux business models existants mais n’ont rien à gagner en s’y opposant frontalement. Le constat réalisé par les 3 invités sur le business model traditionnel du bancassureur bien que rude à première vue était porteur d’espoir pour l’écosystème. En effet, ils ont pointé la difficulté aujourd’hui pour les banques de traiter de la donnée avec des SI quasi obsolètes et donc de concurrencer des fintechs agiles. Ils ont aussi mis en avant le fait que les banques se refusaient à avancer sur les terrains de la data en se pétrifiant face aux questions de droit, alors que les fintechs ne se posaient cette question qu’une fois après avoir apporté de la valeur au client. Enfin ils ont conclu leur intervention collégialement en prônant l’idée que les services financiers et la Banque n’étaient plus un métier de confiance mais un métier de données, ouvrant la porte à la collaboration chère à John Egan en introduction.
En conclusion, cette Data Libération organisée par France Fintech si elle n’avait de libération que le nom, a permis aux acteurs de l’écosystème financier de saisir que les fintechs ont pris conscience de leur nouveau rôle, ce ne sont plus des troublions avec pour seule ambition de tout disrupter mais bien des partenaires avec un savoir-faire, capables de créer des synergies intéressantes pour l’écosystème et les clients.